
« Mais moi j'avais envie de parler, de dire, Monsieur, vous n'êtes qu'à quelques mètres de moi, mais à des années-lumière d'elles dans leur cruelle captivité. Vous n'y étiez pas. Vous ne pouvez pas savoir ce qui a été fait. Vous vivez de pouvoir, et nous de l'impuissance. »
Impuissance….Paralysie…Un sentiment d’incapacité que j’ai ressenti en tant que lectrice, mise à l’épreuve et circonspecte.
Une mise à distance nécessaire par un style très factuel adopté par l’auteur afin de raconter l’innommable.
Edna O’Brien, jeune auteur de 89 ans, raconte l’histoire d’une survivante, Maryam, martyre des camps au Niger en 2014, de cette secte barbare, fanatique qui au nom d’un dieu et d’une religion fait subir l’inqualifiable et brise tout précepte autour de la dignité humaine. Les disciples de Boko Haram enlevaient les collégiennes dans leur internat et village pour servir d’esclaves sexuelles et d’épouses aux combattants djihadistes qui le méritaient.
Elle raconte ainsi la perversité insoutenable, glaçante, l’abomination barbare, animale, ces viols collectifs, ces lapidations, ces unions forcées salvatrices, cet endoctrinement.Maryam et ces femmes Buki, Teresa, fatima, Regina…appréhendaient la Maison Bleue, redoutaient que leurs langues soient coupées. Réduites à la condition de chiennes, elles sont abusées car inconvenantes pour ce dieu. Maryam après avoir mis au monde une petite fille parvient à fuir.Mais le retour est une véritable descente aux enfers. Elle n’est plus que mauvais présage, déshonneur, paria, suspecte de radicalisation.
Et pourtant ce roman est rempli d’espoir. Il évoque la force, la liberté, le courage.
L’auteur met à l’épreuve car son écrit est choquant et violent mais rempli malgré tout d’humanité.On ne peut que souligner le travail d’investigation de qualité de sa part: les épisodes s’enchaînent sous une forme quasiment didactique, documentaire. Âmes sensibles, s’abstenir…
« La nuit, éveillée, je vois le ciel. Une immense étendue de ciel violet, une terre de beauté devenue lieu de misère. Tant de filles mortes. Morne murmure des arbres. »
« J'ai été comblée d'une extase que je n'avais encore jamais connue. Des volutes de lumière emplissait la chambre et éclairait l'univers au-dehors. Tout était calme. En cet instant d'espoir et de bonheur sans mélange, il m'a semblé que ces rayons inondaient les dimensions les plus noires du pays lui-même. »
Une réflexion sur “Girl.”