Le petit caillou dans la chaussure

Blog littéraire d'Alexandra Lahcene

Lu dans le cadre du prix Elle.

Matzneff "était bien ce qu'on apprend à redouter dès l'enfance : un ogre"

Il est très compliqué de rédiger une chronique sur une telle lecture.

Quelle force ! Quelle qualité littéraire !

Vanessa Springora s’est lancé avec courage dans un récit qui relève de l’intime mais qui n’en est pas moins subtil, acéré, percutant.Voici une lecture incontournable qui remet en question les valeurs véhiculées dans le monde littéraire et intellectuel. Vanessa Springora va être à l’origine d’un véritable tsunami dans le monde de la création.

L’écrivain Gabriel Matzneff obtient le prix Renaudot en 2013: cette odieuse provocation va conduire Vanessa Springora à prendre la parole et décrire le mécanisme que met en oeuvre un pervers pédophile sur ses victimes, amener une réflexion sur la notion de consentement, dénoncer les dérives du milieu et d’un époque.

« Jusqu’au jour où la solution se présente enfin, là, sous mes yeux, comme une évidence : prendre le chasseur à son propre piège, l’enfermer dans un livre ».

L’auteur va enfermer G. dans une prison de papier, l’emmener sur son terrain de jeu : le royaume des livres.

Élevée dans ce milieu littéraire, gagnée par son amour pour la littérature, l’écrivain est aux yeux de V. un individu singulier. Cet homme le sait et va utiliser la littérature pour répondre à ses désirs morbides, son addiction.

Cette jeune fille, qui manque d’un père, va devenir l’une des conquêtes de cet écrivain magnifié, admiré, si cultivé. Elle a besoin d’être regardée, d’exister. Fascinée par sa grande notoriété et son ascendant du à son âge, elle va tomber sous son emprise. Sa présence «cosmique », son regard sans précédent qu’il porte sur elle et qui plus est celui d’un homme, la trouble : elle est élue !

Des sentiments ambivalents surgissent en elle : ce qu’elle pense être de l’amour, la passion, la culpabilité, le refus de penser qu’un homme aussi cultivé puisse lui faire du mal. Il a un savoir faire qu’il doit lui transmettre. Elle est son disciple.

Et puis il y a après lecture de son journal cette prise de conscience que cet « éphébophile » ne l’aime pas elle mais ce moment de l’adolescence.

La lucidité va l’amener sur un long parcours juché de souffrance, d’anorexie, de renonciation qui aboutira à une reconstruction.Pour cela elle va devoir passer par l’écriture.

« Parce qu’écrire, c’était redevenir le sujet de ma propre histoire. Une histoire qui m’avait été confisquée depuis trop longtemps ».

Cet écrit factuel est admirable et nécessaire.

Laisser un commentaire

%d blogueurs aiment cette page :