Le petit caillou dans la chaussure

Blog littéraire d'Alexandra Lahcene

Un gros coup de cœur pour ce premier roman sur les absences et ces noeuds qu’on piétine…

C’est l’histoire d’une respiration, la dernière, sous une chaleur caniculaire, étouffante, les dernières heures d’une mère en mal de reconnaissance.

Les promesses d’un nouveau souffle elle en a eu pourtant tout au long de sa vie mais tout lui échappe : ses enfants, son mariage.

Un dernier : TIC, TIC, TIC puis le silence. Ces liens délicats se sont rompus.

C’est l’histoire du chagrin d’une mère qui a mis sa vie en suspens, d’enfants sacrifiés, de non-dits. Elle voulait mettre de l’eau de rose dans sa vie, de la fleur d’oranger, lui était imprégné des odeurs fétides de son enfance, cette amertume qui fera de lui un être égoïste, exigeant, intransigeant. Elle voulait être cette rosace au centre de la tapisserie autour de laquelle gravitent et s’entortillent ces boutons de fleurs

Sous cette chaleur, elle attend donc, chacun de ses enfants, car elle les a tous réunis. Car elle n’a pas encore renoncé contrairement a Reza. Elle attend donc et se rappelle.

Cette femme qui s’est effacée pour laisser place à son mari, cherche l’air, cherche sa place, aimerait sortir ce cri de douleur, mais n’est que silence. Elle tait ses douleurs. Elle tait ses espoirs et installe ainsi des incompréhensions, des quiproquos, et des certitudes. Ce silence de colère chaque membre de la famille en est imprégné. Elle attend mais son espoir se délite.

Elle a mis toute son énergie à tisser ces nœuds, à créer ces liens avec chaque enfant, à ce consacrer à cette tapisserie familiale. Mais cette toile les a tous étouffés les uns après les autres et les a amenés à se séparer. Cette famille désunie ne peut plus s’écouter, ne peut plus ressentir de tendresse car est dans une impasse.

« Mettre au monde ce n’est pas accoucher, c’est se laisser abandonner ».

Esther est fatiguée, essoufflée, abandonnée. Une chose va les réunir, puis les détruire : sa mort.

Mon cœur s’est serré tout au long de cette lecture, des larmes ont coulé ! Tout cet amour et pourtant tous ces êtres blessés et tant de solitude… Les mots d’Alexandra Matine m’ont touchées si ce n’est en plein cœur, au plus profond de mes trippes ! Merci !

« Le dernier enfant qui s’en va. Il n’y en aura pas d’autre. Il emporte avec lui le sens de la maison, le sens de la vie. Il partent tirant sur les fils qu’Esther avait tissés, les tend jusqu’à les rompre, tic, tic, tic, les arrache, et laisse les derniers pendants derrière lui des fils trop courts. On en peut plus rien en faire. »
« L’espace d’une seconde elle croit pouvoir y arriver. Elle croit pouvoir ouvrir es yeux. Elle a tant envie de les voir tous, ici. Tous ensemble une dernière fois. Mais elle se ravise. Elle n’a pas besoin de les voir. Elle sait qu’ils sont là. Elle appuie sa tête lourde sur les joues rebondies de l’oreiller, et rejoint sans effort le monde des souvenirs. Là, surgit, lumineuse, l’apparition adorée. La famille ; les liens qu’elle a tissés patiemment, éclosent en couleurs chamarrées, en petits boutons de fleurs blancs, en tiges espiègles qui s’enroulent avec délice. Et Esther, au centre, rosace majestueuse, irrigue une dernière fois de son amour tentaculaire la tapisserie tout entière et ses milliers de petits noeuds. »

Merci aux fées des 68 premières fois pour cette pépite!!

3 réflexions sur “Les grandes occasions.

  1. C’est vrai que c’est un très beau roman !!

  2. fyot dit :

    tu m’a convaincu, je l’ai acheté ce week-end…. à suivre…

    1. Tu as bien fait!;)

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