J’ai refermé ce livre il y a quelques jours et je me prends encore à fredonner toujours cette cavalcade entêtante !!!
Nicolas Mathieu choisit ainsi ce titre signifiant parce qu’il appartient au collectif, quelle que soit la classe dont on dépend.
Dans Connemara, on retrouve les thèmes de prédilection de l’auteur qu’il aborde avec justesse, sarcasme et précision.
A travers l’histoire d’amour d’Hélène et Christophe, il manie l’intime et le social, raconte le temps qui passe pour l’une avec un goût d’inachevé et pour l’autre celui de nostalgie, l’adolescence et ses premiers déchirements, le rapport de classe et le questionnement de la réussite.
Ce roman épique s’ouvre sur la colère d’Hélène, femme de 40 ans qui est passée de la grande Motte à l’Ile de Ré, qui a le sentiment de s’être fourvoyée et voit naître la volonté d’intensifier sa vie.
« La colère venait dès le réveil. Il lui suffisait pour se mettre en rogne de penser à ce qui l’attendait, toutes ces tâches à accomplir, tout ce temps qui lui ferait défaut.
Hélène était pourtant une femme organisée. »
« Le temps était passé si vite. Du bac à la quarantaine, la vie d’Hélène avait pris le TGV pour l’abandonner un beau jour sur un quai dont il n’avait jamais été question, avec un corps changé, des valises sous les yeux, moins de tifs et plus de cul, des enfants à ses basques, un mec qui disait l’aimer et se défilait à chaque fois qu’il était question de faire une machine ou de garder les gosses pendant une grève scolaire. Sur ce quai-là, les hommes ne se retournaient plus très souvent sur son passage. Et ces regards qu’elle leur reprochait jadis, qui n’étaient bien sûr pas la mesure de sa valeur, ils lui manquaient malgré tout. Tout avait changé en un claquement de doigts. »
Elle est parvenue à s’arracher de son monde d’origine, a réussi à conquérir des distances, mais est-ce vraiment ce qu’elle voulait ? Qui est-elle vraiment ?
Elle va retrouver Christophe qui lui est resté dans ce monde d’avant.
Ces deux personnages, allégories sociétales, vont se libérer pour un temps. Le lecteur est invité à entrer dans une intensité d’existence où l’intimité devient politique, où les corps s’attirent et se détachent. Avec détail, il raconte ces désirs et fait des analepses sur ces souvenirs gravés de l’adolescence, sur ce temps que l’on voudrait suspendre, encore une fois rien qu’encore une fois.
« L’adolescence est un assassinat programmé de longue date et le cadavre de la famille telle qu’elle fut gît déjà sur le bord du chemin. »
Ces deux mondes vont se rencontrer, les illusions vont se raconter, mais la réalité va se dévoiler. Peut-on réellement se réinventer ? Peut-on réellement se libérer de sa condition sociale ? Peut-on s’échapper de soi ?
Ce texte a énormément fait écho en moi et m’a profondément bouleversée.
Nicolas Mathieu maîtrise parfaitement bien son sujet, et a un talent indéniable : peu d’auteurs sont capables de manier l’art de l’ellipse avec une multitude de détails (oui je sais c’est paradoxal et c’est qui pourrait déstabiliser) comme il le fait : car oui chers lecteurs et chers lectrices, certains et certaines auront la sensation qu’il ne se passe et rien…et pourtant chaque paragraphe, chaque séquence renvoient un sentiment fort en nous, éveillent tous nos sens.
Les notions de liberté et de réussite sont subtilement interrogées et vous l’aurez compris ce fut un énorme coup de cœur pour moi.