Le petit caillou dans la chaussure

Blog littéraire d'Alexandra Lahcene

« Je suis rien, je le sais, je compose mon rien avec un petit morceau de tout. »Victor Hugo.

René Frégni, lui, a composé avec les mots, avec son émerveillement pour les femmes et la littérature.

Né déserteur, l’auteur imprègne chaque page de son magnifique roman d’un souffle de liberté.

Il raconte cette existence de vagabond à l’écart du troupeau, lunettes dans sa poche, au pays des mots et du rêve. Dans cette errance, il rencontre Ange-Marie et l’aumônier qui vont l’amener sur les chemins de la littérature. Car son unique maison sera celle des mots. 

« J’ai beaucoup mieux qu’un calibre aujourd’hui, j’ai des mots, j’ai leurs mots ! ».

Ceux de Giono, Hemingway, Vian, Dostoievski, Rimbaud…

Il va ainsi suivre toute sa vie la sentence de sa grand-mère « Sans culture, pas d’hommes libres ».

Vous l’aurez compris, sa vie, ses fuites, seront ponctuées par ses rencontres littéraires.

Mais ce livre est également un splendide hommage à la femme de sa vie, sa mère : il magnifie tout l’amour qu’elle avait pour son fils, son obstination, ses inquiétudes.

C’est juste sublime !

A votre tour de tomber sous le charme de cette plume imprégnée de poésie.

« Le bonheur de ma mère… Pendant toutes ces années, elle avait attendu mes lettres, de Verdun, de Bastia, d’Istanbul, celles que je n’écrivais pas, celles qui s’égaraient… Des lettres que seule une mère garde, bien rangée dans un tiroir, pendant toute une vie. Elle s’était réveillée au milieu de chaque nuit avait guetté les gendarmes tous les mercredis, tremblé tous les jours de la semaine. On ne peut pas regretter tout ce que l’on a fait dans une vie, on l’a fait, bousculé par les rencontres, les peurs, les hasards, les désirs… La mélancolie dans le regard de ma mère, ses cheveux blancs… C’est pour elle que j’avais écrit mes premiers romans, pour lui dire que tous ses sacrifices, elle ne les avait pas faits en vain. On écrit toujours pour quelqu’un, un frère lointain, une amoureuse, une maman. 

Ce livre, dans la vitrine d’une librairie, un jour de septembre, c’était une façon de dire ce que l’on n’ose plus, quand on est devenu un homme, dire tout simplement « Je t’aime plus que tout, maman », comme on le faisait, chaque jour, quand on était enfant ».

« J’avais été jadis un voyageur insouciant. Je devins un lecteur de grand chemin, toujours aussi rêveur mais un livre à la main. Je lus, adossé à tous les talus d’Europe, à l’orée de vastes forêts. Je lus dans des gares, sur de petits ports, des aires d’autoroute, à l’abri d’une grange, d’un hangar à bateaux où je m’abritais de la pluie et du vent. le soir je me glissais dans mon duvet et tant que ma page était un peu claire, sous la dernière lumière du jour, je lisais. (…)
Je n’étais jamais seul, quelqu’un était dans ma poche puis dans ma main, avec qui je dialoguais, un compagnon de route. Je veux parler de tous ces écrivains qui furent mes professeurs. J’ai évoqué, Giono, Dostoievski, Rimbaud…Tant d’autres qui vinrent bouleverser le cours de mon existence. (…) Je lus tout ce que les hasards de la route mirent entre mes mains et chacune de ces lectures allait façonner ma vie, la réinventer, comme des immenses blocs de pierre qui tombent des montagnes, transforment et orientent le cours d’une rivière. »

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