Le petit caillou dans la chaussure

Blog littéraire d'Alexandra Lahcene

Aujourd’hui, je vais vous parler d’un premier roman éblouissant inspiré d’une  tradition ancestrale au Japon mise en scène par le cinéaste japonais, Shōhei Imamura, La Ballade de Narayama, (palme d’or en 1983). Ce film qui raconte ainsi l’histoire d’un fils qui porte sa mère mourante jusqu’au sommet des montagnes a très probablement insufflé Isabel Gutiereez 

Marie est malade, condamnée. Elle demande à Pierre, son fils ainé, de la porter au-dessus d’une colline pour son adieu au monde.

« Les mains en corbeille, elle a accueilli les odeurs piquantes de la tristesse et de l’amour, les cris de plaisir et de désespoir des hommes, toutes sortes de vies, des couleurs éclatantes, des lumières presque éteintes. Demain elle partirait gonflée de saisissement ».

« J’emporterai de quoi accueillir mon cœur devenu silencieux

J’emporterai de quoi accueillir l’épuisement de mon souffle

J’emporterai ce qui contient le monde, ses bruits, ses odeurs

J’emporterai un bol »

Ils partent pour ce voyage durant lequel ces deux corps vont ne faire qu’un.  Au cours de cette ascension, Marie et Pierre engagent un dialogue silencieux. Elle convoque ses souvenirs et les relate d’une manière bouleversante : l’histoire d’amour avec l’homme de sa vie, ses enfants, son enfance avec ses grands parents réfugiés espagnols tout en faisant corps avec la beauté du monde.

« Puisque nous allons ensemble, mon fils, sans que nos regards se croisent, puisque c’est le moment du départ et celui des dernières enjambées, à toi à qui j’ai appris à marcher et à pédaler, je parlerai en silence, je calerai le rythme de ma langue sourde, marche de vers iambiques, à la longueur de tes pas. Nous traverserons le temps du paysage ensemble »

Isabel Gutierrez écrit l’absence, les non-dits, l’accomplissement d’une vie avec sensualité (j’ai rarement lu des pages qui traitent de l’amour charnel comme celles-ci) et poésie. 

Ce livre est une véritable ode à la vie et j’ai personnellement été transcendée par les mots, les tournures de l’auteur. Parfois je me surprenais à lire des passages à plusieurs reprises tant ils étaient sublimes.

Une pépite à découvrir !!

« J’aimais sentir se libérer l’espace ovale de mon corps de femme sous la paume du vent que soufflaient ses mains sur ma peau. Je voulais être sillonnée, l’étendue de ma chair célébrée par sa bouche, nos mains dessinant des lignes toujours réinventées. Je voulais nous voir nous enfoncer, épris, dans le désir plus profond encore et sentir au fur et à mesure, l’envie de contempler son visage, les notes de mon chant au bord des lèvres. »

Merci les 68 premières fois pour cette découverte remarquable.

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