« Je suis dans le vrai temps où elle ne sera plus jamais. », une femme, Annie Ernaux.
Dans un récit autofictif en trois parties Lisa Balavoine raconte une histoire d’amour incommensurable et complexe entre une mère et sa fille.
Tandis que la petite fille aspire à une vie normale, sa mère tumultueuse, fantasque, brûle ses ailes au nom de la liberté et perd pied : l’alcool, la dépression aura raison d’elle. Cette femme reste mystérieuse et donc inquiétante pour sa fille qui, malgré tout, sera inexorablement attirée tel un aimant.
« Parce que je ne vois que toi en fermant les yeux. Parce que je me délecte de ta voix et de ton rire lumineux. Parce que j’attends les samedis matin où j’écoute Émilie Jolie dans le salon pendant que tu fumes sur le balcon. Parce que je ne sais pas où tes yeux se perdent lorsqu’ils regardent le ciel. Parce que je garde l’odeur de ta peau inscrite dans la mémoire de mon cœur. Parce que j’ai peur qu’il t’arrive quelque chose. Parce que j’ai raison d’avoir peur».
La dérive de la mère entraine progressivement celle de sa fille. Ce lien qui mêle rejet, incompréhension, honte, colère, désarroi, adoration, fascination, fusion et sincérité va déstabiliser la narratrice. Sa mère n’a pas de filtre, elle est seule, désespérée et entraîne dans sa détresse sa fille, sa seule interlocutrice, dans un tourbillon infernal. Cette femme glisse, perd pied et la petite Lisa perçoit toutes ses blessures sans pouvoir les panser.
« Vivre avec toi, c’est vivre à cent à l’heure, c’est un tourbillon. »
« Tu préfères croire que ta vie n’a pas commencé et tu attends, impatiente, qu’il se passe quelque chose. »
« Je change souvent d’école. Je ne me fais pas d’amis. Je n’ai que toi. »
« Tout semble passer plus lentement alors que toi et moi ne vivons qu’un brouillon d’existence dans des appartements où nous nous installons jamais. »
Adolescente, Lisa va devoir fuir, s’échapper de l’emprise maternelle destructrice pour exister.
« Ma liberté devient un gouffre, je me sens appelée par le vide, le vide que notre vie trace autour de moi. »
Lisa va devenir à son tour mère et malgré sa volonté d’atteindre la perfection en instaurant la stabilité qu’elle n’a jamais eu, en allant jusqu’à s’oublier, elle va rapidement se rendre compte qu’elle ne pourra pas empêcher la mal être de sa fille.
Ce texte met ainsi en relief le questionnement de la reproduction des schémas, de la fatalité, de la transmission de la mélancolie, et même de la mémoire : jusqu’à quel point reconstitue-t-on nos souvenirs ?
« J’aimerais comprendre pourquoi, de tout ce que nous avons vécu, je ne parviens pas à me délester du pire. »
Ce texte intimiste est l’histoire d’une réconciliation. Lisa va se libérer de sa culpabilité car « ceux qui s’aiment se laissent partir ». Elle parvient à déplacer sa colère et pardonne.
J’ai été bouleversée par les mots de Lisa Balavoine. Ce texte court est chargé en émotion et les thèmes abordés ne peuvent que me percuter tant ils font écho en moi.
C’est à lire !!
« La photographie est abîmée, elle a subi de mauvais traitements, elle est pliée, tordue, marquée par endroits. Cette image meurtrie et apaisée, c’est toi, ma mère. C’est toi toute entière. Une femme en bleu, les yeux clos et les rêves silencieux.
Je ne te réveille pas, je te laisse partir. »