Le petit caillou dans la chaussure

Blog littéraire d'Alexandra Lahcene

« Je voudrais me lever mais mon cœur reste assis ».

Lors d’un moment d’inattention Nina disparaît dans une fête foraine.

Retrouvée saine et sauve au petit matin, la vie va pouvoir reprendre son cours. Mais Emma, sa mère, ne le reconnaît pas.

Un doute obsessionnel s’empare d’elle. Remplie de suspicion, les joies des retrouvailles s’étiolent car elle ne ressent rien, « mon coeur en sa présence ne sourit pas », pour cette copie certifiée conforme.

 « Je la connais sans faute et les yeux fermés. Je discerne ses rythmes et ses ombres, ses silences, ses absences, ses omissions, je peux l’authentifier, mais pas ce matin. Telle qu’elle est revenue ça me saute aux yeux, je ne vois que cela, les erreurs du copiste. Je suis peut-être la seule à les distinguer, d’accord, mais ça n’altère pas la vérité : ma Nina, la vraie, n’est pas rentrée. »

Emma dérive, bascule progressivement et nous, lecteurs, happés par cette intrigue rondement menée et cette atmosphère sous tension, nous oscillons entre incompréhension, car il est inconcevable d’oublier son bout de soi en quelques heures, le doute, la colère face à l’agressivité de cette femme, le malaise et l’empathie pour cette mère qui oscille entre ses sentiments et sa confusion, entre son amour infini, et sa mélancolie et cet enfant qui, en quelques heures, a perdu l’amour infini de sa mère.

Stéphanie Kalfon a su nous emporter de manière efficace dans ce tourbillon et approche les sujets de la perte et de la folie de manière remarquable.

 Un écrit digne d’un bon thriller psychologique à ne pas manquer !

« C’est un bégaiement sans ciel adressé à, ma fille, maintenant que je suis enfermée dans une chambre où on m’a exilée après procès. J’aimerais qu’elle comprenne d’où vient cette nuit sans ombre où j’ai glissé sans elle, pour elle, avec elle. »

« Dans ma tête mosaïque, je cherche une cohérence au vrac de mes pensées, j’essaye d’en décaper les zones d’ombres. J’utilise en guise de couleurs les aplats furtifs de lucidité dont je dispose. Ils me parviennent par pixels, par fragments. C’est tout ce que je possède pour sillonner l’irrationnel, ces tout petits carreaux éparpillés où je questionne le visage radieux de ma fille. »

” Les familles sont fragiles je trouve, comme les châteaux de cartes. Il suffit que quelques neurones cessent de jouer leur rôle miroir pour que la familiarité qui nous lie aux autres s’évanouisse.”

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